Ce sont des producteurs de lait, qui ont été les premiers à soutenir Saga. Nous ne nous attendions pas à ce qu’une aventure « de mer » soit soutenue par les acteurs de la terre et à dire vrai, ce lien entre agriculture et océan aujourd’hui évident, ne s’est pas imposé immédiatement. Il nous a fallu mieux voir le lien entre les rapports pour la préservation de l’Océan que nous lisons confortablement installée à un bureau et l’importance de l’entretien sain des pâtures sous nos fenêtres. Il a fallu visualisé ce lien entre les violentes perturbations climatiques et les cernes qui se creusent, entre la transition vers de meilleurs sols et la renaissance de lagons. Ces liens sont là, bien réels et, les artisans de ces liens sont des enfants de la terre.

Le constat en 2019 se précise sur les effets des activités humaines sur l’Océan. La pollution qui empoisonne la mer pour revenir dans nos assiettes, nos émissions de CO2 qui asphyxient l’Océan et se répercutent sur le climat… L’impact du réchauffement sur les courants, sur nos saisons, sur les coraux, sur la subsistance directe de 3.5 MILLIARDS de personnes dans le monde… Un humain sur deux vit directement de la mer, qui produit 50% de l’oxygène et alimente nos terres en eau douce. Rien que ça. Plus discrètement, des espèces qui s’éteignent ou se raréfient, emportant avec elles de précieux secrets, de ceux qui nous permettent pourtant d’élaborer des vaccins, des anti-poisons, des revêtements antibactériens, des engrais naturels. Oui, nous connaissons maintenant tout cela. Nous savons que les baleines chanteront de moins en moins, nous savons que les remparts naturels aux tempêtes s’effritent. Nous savons que des zones de cultures entières disparaissent sous le sel de mers déchainées. Nous savons que demain, des centaines de milliers de réfugiés climatiques victimes de la montée des eaux se demanderont où aller. Ce ne sont plus des discours catastrophistes : ce sont des faits largement démontrés et documentés par l’ensemble des sciences mises à notre disposition. Nous savons aussi tous les services rendus par les océans, toutes les solutions qu’ils abritent.

Le lien entre la terre et l’Océan, vital par nature, est désormais au cœur d’évènements visibles qui façonnent irrémédiablement le monde des Hommes.

C’est dans cette actualité que la Commission Océanographique Internationale de l’Unesco démarre une nouvelle décennie pour les océans tandis que les rapports du GIEC dévoilaient il y a peu à Monaco les conséquences des dérèglements climatiques sur l’Océan et sur nous par répercussion. Ce dernier rapport n’oublie pas de présenter l’agriculture comme un rempart contre le changement climatique, lorsqu’elle est menée de manière durable.

Et pour cause. Autour de ces mégapoles, de ces villes, de ces usines, qui rejettent, traitent, polluent, il y a ces champs, ces forêts, ces pâtures, ces domaines, et toutes ces zones naturelles aménagées par l’Homme, comme les marais, comme les berges, comme les zones de pâtures montagnardes, qui ont ce pouvoir centenaire de contenir, nettoyer, dépolluer, régénérer, et d’absorber. L’on ne sait que trop bien les conséquences sur les zones côtières, de productions intensives et polluantes. Et l’on connait assez les dramatiques résultats engendrés par la mise à mal des capacités hautement résilientes de la nature qui se manifestent par l’érosion des sols, la désoxygénation des mers, les réponses toxiques des algues vertes, l’envasement des estuaires…

De ce lien entre la mer et la terre, les femmes et les hommes de terre sont pourtant les grands invisibles. Les artisans de la terre ne signent pas les rapports du GIEC sur les liens entre l’Océan et la cryosphère, et ils ne sont jamais invités dans les grands rendez-vous nationaux ni mondiaux sur l’Océan. En revanche, le cycle de l’eau, l’importance des saisons, l’importance du climat, l’importance des sols et des racines, l’importance de nourrir le monde, l’impératif de l’adaptabilité climatique, ils connaissent. Les conséquences désastreuses de marchés financiers hors de contrôle, ils les ont subies avant nous. Ce sont eux qui toutefois portent les seules solutions véritablement naturelles et pratiques pour limiter ces impacts tout en continuant à tous nous nourrir. Ils savent reconstruire un paysage abîmé, et ce sont bien eux qui ont le pouvoir d’entretenir les capacités régénératives et dépolluantes des sols. Sans omettre leur capacité à produire des certificats verts si précieux aux industries productrices de bilan carbone désastreux. Ce sont eux qui tiennent la partie la plus importante de la corde qui nous relie tous.  Notre ligne de survie, si chère aux marins, est arrimée à leurs fermes, que l’on en ai conscience ou pas.

Ils ne veulent pas le dire, ils n’aiment pas en parler. Mais des voix s’élèvent très clairement en cette année 2019, et nous savons : trop nombreux sont ceux qui sont poussés à lâcher prise. Et c’est insupportable. Nous avons le choix entre continuer à les décourager, à les accuser d’appliquer ce que nous leur avons demander il y a quelques années, à savoir nous nourrir plus et moins cher. OU nous pouvons nous associer à eux en les aidant et œuvrant à leurs côtés.

Des zones agricoles bien gérées contribuent à protéger la nature et par extension nos océans de tous ces rejets. C’est un fait sur le papier. Mais pour passer de la certitude à la réalité, ce sont de paysans en forme dont nous avons besoin… qui s’en sortent financièrement, paramètre des plus simples à comprendre. Nous avons aujourd’hui la maturité nécessaire pour dessiner ce trait entre les exploitations agricoles et la préservation de l’océan. Nous devons anticiper sur ce qui sera une évidence demain, nous devons préserver ce lien entre celui qui vit correctement de son exploitation pour s’autoriser une transition et le poisson qui pourra se reproduire dans un estuaire préservé de ruissellements pollués. Après tout, peut-être que faire ce lien entre santé agricole et santé de l’Océan n’est qu’une question de bon sens aujourd’hui. La question qui subsiste est « qu’allons nous en faire ? ».